La secrétaire

Hier, entre deux ponts, histoire de se balader un peu, j’avais rendez-vous pour ma deuxième piqûre d’anticorps, à l’hôpital, service chimio. Il y eu quelques travaux, les lieux ont changé, le personnel aussi. Je vais échanger avec six personnes ce jour-là. La première personne, je la connais bien, elle s’occupe de ma tension, mon poids, ma fièvre, ma tisane, elle est très douce et gentille. La deuxième personne, c’est ma cancéro. Une bombe, car elle est belle femme, elle est très active et efficace et elle a fait sauter mon cancer ! La troisième personne est Madame Perruque, que j’ai demandé à voir pour savoir si elle pouvait couper ma perruque. Toujours aussi jolie et sympathique. La quatrième personne est Madame la psy qui vient automatiquement, avec qui j’échange beaucoup (vous imaginez bien), professionnelle, non directive, attentive, à mon goût. La cinquième personne est l’infirmière, nouvelle, qui vient me piquer dans le ventre, jeune (elle m’a pourtant dit qu’elle n’avait qu’un an de moins que moi), très à l’écoute. Et la sixième personne à qui je vais avoir affaire en cette fin d’après-midi chaude et pénible, stressante et fatigante mais aussi rassurante et nécessaire, cette sixième et dernière personne m’a fait pleurer. LA secrétaire. Je ne l’avais jamais vue, j’ai eu le malheur de lui demander un papier. Il devait être environ 16 h 45. Elle m’a répondu gentiment, aimablement, courtoisement, avec empathie et douceur, compréhension et grand professionnalisme, qu’il était trop tard, que les médecins n’étaient plus dans le service, que ce genre de papier, il fallait le demander en arrivant. Faudrait-il encore le savoir ??!! Puisque tout a changé dans ce nouvel endroit. Elle en particulier, LA secrétaire, qui ne sourit pas et qui fait pleurer les gens malades, guéris, en rémission, les gens tout court. Qu’elle dégage de ce bureau si elle n’a pas compris qu’elle travaille avec des personnes fragilisées par la maladie, si elle n’a pas vu que je portais un bandeau sur ma tête, que mes bras étaient maigres et mes yeux cernés. Elle était petite, alors au moment où elle m’a répondu si sèchement, je me revois seulement me baisser doucement pour mettre mon visage au niveau du sien et lui dire : vous n’allez pas me gronder quand même, les larmes aux yeux. Je ne sais pas ce qui m’a retenue alors de ne pas hurler plutôt que de fondre en larmes. Ma maman, qui m’accompagnait pour la première fois, m’a vue m’effondrer de loin et a elle-même senti les larmes monter, ne comprenant pas ce qui se passait… Méchante secrétaire…

Cette secrétaire a été la petite goutte d’eau qui a fait déborder mon immense vase rempli de misère, de colère, de fatigue, de raz le bol, d’émotions diverses et variées, de lutte, d’acharnement, de patience, d’incompréhension, de tristesse, d’efforts perpétuels, de négatif, de positif, d’excitation, de joie et de grande peur. Vous ne pourrez jamais imaginer la peine qu’elle m’a fait et ceux d’entre vous qui peuvent penser que j’exagère, vous vous trompez car vous ne savez pas ce que je vis. Je ne veux plus JAMAIS qu’on me fasse mal de la sorte et le prochain qui me fera pleurer , je le dégomme et le sors de ma vie ! Je suis très en colère en écrivant tout cela et lassée des connards et connasses. Je sais bien qu’il va falloir encore mettre le poing dans la poche. Cette sixième personne a gâché tout le travail psychologique et l’ambiance de ma journée. C’est fort dommage… 

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